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PAR UN SOIR DE PRINTEMPS

Puis, un après-midi, le soleil victorieux, séchant enfin les buées flottantes, s’était étalé, rayonnant sur toute la plaine. Sa gaîté claire avait empli la campagne, avait pénétré partout, dans les plantes, les bêtes et les hommes. Les oiseaux amoureux voletaient, battaient des ailes, s’appelaient. Jeanne et Jacques, oppressés d’un bonheur délicieux, mais plus timides que de coutume, inquiets de ces tressaillements nouveaux qui entraient en eux avec la fermentation des bois, étaient restés tout le jour côte à côte sur un banc devant la porte du château, n’osant plus s’éloigner seuls, et regardant d’un œil vague, là-bas, sur la pièce d’eau, les grands cygnes qui se poursuivaient

Puis, le soir venu, ils s’étaient sentis apaisés, plus tranquilles, et, après le dîner, s’étaient accoudés, en causant doucement, à la fenêtre ouverte du salon, tandis que leurs mères jouaient au piquet dans la clarté ronde que formait l’abat-jour de la lampe, et que tante Lison tricotait des bas pour les pauvres du pays.

Une haute futaie s’étendait au loin, derrière l’étang, et, dans le feuillage encore menu des