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APRÈS

La vieille comtesse de Saville, retirée en son château du Rocher, pour élever ses petits-enfants, après la mort successive de son fils et de sa belle-fille, aimait beaucoup son curé, et disait de lui : « C’est un cœur ».

Il venait tous les jeudis passer la soirée chez la châtelaine, et ils s’étaient liés, d’une bonne et franche amitié de vieillards. Il s’entendaient presque sur tout à demi-mot, étant tous les deux bons de la simple bonté des gens simples et doux.

Elle insistait : « Voyons, monsieur le curé, confessez-vous à votre tour ».

Il répéta : « Je n’étais pas né pour la vie de tout le monde. Je m’en suis aperçu à temps, heureusement, et j’ai bien souvent constaté que je ne m’étais pas trompé.

Mes parents, marchands merciers à Verdiers, et assez riches, avaient beaucoup d’ambition pour moi. On me mit en pension fort jeune. On ne sait pas ce que peut souffrir un enfant dans un collège, par le seul fait de la séparation, de l’isolement. Cette vie uniforme et sans tendresse est bonne pour les uns, détestable pour les au-