Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
LE SAUT DU BERGER

Une fois même, et pour rien, il s’emporta jusqu’à perdre la raison. Il allait voir une malade. Or, dès qu’il eut pénétré dans la cour de la ferme, il aperçut un tas d’enfants, ceux de la maison et ceux des voisins, attroupés autour de la niche du chien. Ils regardaient curieusement quelque chose, immobiles, avec une attention concentrée et muette. Le prêtre s’approcha. C’était la chienne qui mettait bas. Devant sa niche, cinq petits grouillaient autour de la mère qui les léchait avec tendresse, et, au moment où le curé allongeait sa tête par-dessus celles des enfants, un sixième petit toutou parut. Tous les galopins alors, saisis de joie, se mirent à crier en battant des mains : « En v’là encore un, en v’là encore un ! » C’était un jeu pour eux, un jeu naturel où rien d’impur n’entrait ; ils contemplaient cette naissance comme ils auraient regardé tomber des pommes. Mais l’homme à la robe noire fut crispé d’indignation, et la tête perdue, levant son grand parapluie bleu, il se mit à battre les enfants. Ils s’enfuirent à toutes jambes. Alors lui, se trouvant seul en face de la chienne en gésine, frappa sur elle à tour de bras. Enchaînée, elle ne