Page:Maupassant - Le Respect, paru dans Le Gaulois, 22 avril 1881.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette mise en scène de l’enterrement avait produit par tout le pays un effet colossal ; on en parlait de tous les côtés, et le prince accusé d’assassinat éprouva, comme les autres, le besoin de dire son mot.

Il était devant ses juges qui l’interrogeaient ; alors, dans un mouvement oratoire, il lâcha cette parole monumentale qui n’eut pas, à beaucoup près, l’immense succès qu’elle méritait : « L’affluence de cette foule désœuvrée autour du tombeau de cet homme révèle une curiosité malsaine que je blâme !!! » — C’est déjà pas mal — mais ce n’est pas tout. Aussitôt le président enthousiasmé s’écrie : « Le sentiment que vous venez d’exprimer vous honore !!! » Cette fois, il faut tirer l’échelle. Il y a là-dedans de telles profondeurs d’obséquieux respect, d’ineffable désir d’avancement, d’inconsciente considération, que tout commentaire devient mesquin, affaiblit l’effet. « Le sentiment que vous venez