Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— « Les voyageurs pour l’express de Nice, Vintimille, en voiture ! criait l’employé. »

Il fallait remonter. Notre voisine mangeait une orange. Décidément, elle n’était pas d’allure distinguée. Elle avait son mouchoir sur ses genoux ; et sa manière d’arracher la peau dorée, d’ouvrir la bouche pour saisir les quartiers entre ses lèvres, de cracher les pépins par la portière, révélaient toute une éducation commune d’habitudes et de gestes.

Elle semblait d’ailleurs plus grinchue que jamais, et elle avalait rapidement son fruit avec un air de fureur tout à fait drôle.

Paul la dévorait du regard, cherchant ce qu’il fallait faire pour éveiller son attention, pour remuer sa curiosité. Et il se remit à causer avec moi, donnant jour à une procession d’idées distinguées, citant familièrement des noms connus. Elle ne prenait nullement garde à ses efforts.

On passa Fréjus, Saint-Raphaël. Le train courait dans ce jardin, dans ce paradis des roses, dans ce bois d’orangers et de citronniers épanouis qui portent en même temps leurs bouquets blancs et leurs fruits d’or, dans ce royaume des parfums, dans cette patrie des fleurs, sur ce rivage admirable qui va de Marseille à Gênes.