Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prononça : « Berthe, n’avez-vous besoin de rien. Je pourrais vous apporter… »

Elle le regarda des pieds à la tête et répondit, sans étonnement, sans confusion, sans colère, avec une placide indifférence : « Non — de rien — merci. »

Il descendit et fit quelques pas sur le quai pour se secouer comme pour reprendre ses sens après une chute. Qu’allait-il faire maintenant ? Monter dans un autre wagon ? Il aurait l’air de fuir. Se montrer galant, empressé ? Il aurait l’air de demander pardon. Parler comme un maître ? Il aurait l’air d’un goujat, et puis, vraiment, il n’en avait plus le droit.

Il remonta et reprit sa place.

Elle aussi, pendant son absence, avait fait vivement sa toilette. Elle était étendue maintenant sur le fauteuil, impassible et radieuse.

Il se tourna vers elle et lui dit : « Ma chère Berthe, puisqu’un hasard bien singulier nous remet en présence après six ans de séparation, de séparation sans violence, allons-nous continuer à nous regarder comme deux ennemis irréconciliables ? Nous sommes enfermés en tête-à-tête. Tant pis ou tant mieux. Moi je ne m’en irai pas. Donc n’est-il pas préférable de