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LETTRE D’UN FOU



Mon cher docteur, je me mets entre vos mains. Faites de moi ce qu’il vous plaira.

Je vais vous dire bien franchement mon étrange état d’esprit, et vous apprécierez s’il ne vaudrait pas mieux qu’on prît soin de moi pendant quelque temps dans une maison de santé plutôt que de me laisser en proie aux hallucinations et aux souffrances qui me harcèlent.

Voici l’histoire, longue et exacte, du mal singulier de mon âme.

Je vivais comme tout le monde, regardant la vie avec les yeux ouverts et aveugles de l’homme, sans m’étonner et sans comprendre. Je vivais comme vivent les bêtes, comme nous vivons tous, accomplissant toutes les fonctions de l’existence, examinant et croyant voir, croyant savoir, croyant connaître ce qui m’entoure, quand, un jour, je me suis aperçu que tout est faux.