Page:Maupassant - Louis Bouilhet, paru dans Le Gaulois, 21 août 1882.djvu/3

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En ville, on ne le connaissait guère ; mais on en parlait beaucoup parce qu’il était bibliothécaire. L’académie locale le méprisait un peu, sous l’influence d’un poète indigène, M. Decorde, un barde étonnant dont les vers semblent avoir été faits par Henry Monnier pour les attribuer à l’immortel Prudhomme.

Dans le public, les nombreux parents des académiciens déclaraient Louis Bouilhet surfait. Quelques jeunes gens l’admiraient frénétiquement.

Un jour, comme nous nous dirigions vers le collège, après une promenade, le pion, un piocheur qu’on estimait, chose rare, eut un geste brusque comme pour nous arrêter ; puis il salua, d’une façon respectueuse et humble, ainsi qu’on devait jadis saluer les princes, un gros monsieur décoré à longues moustaches tombantes qui marchait, le ventre en avant, la tête en arrière, l’œil voilé d’un pince-nez.

Puis quand le promeneur fut loin, notre maître d’études qui l’avait longtemps suivi du regard nous dit : « C’est Louis Bouilhet. » Et immédiatement il