Page:Maupassant - Misère humaine (extrait de Gil Blas, édition du 1886-06-08).djvu/10

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Elle respira mieux tout de suite, et but un peu. La mère, soulevée sur un coude, nous regardait. Elle balbutia :

— C’est-il fait ?

— Oui, c’est fait.

— J’allons-t-y rester toute seule ?

Une peur, une peur affreuse, faisait frémir sa voix, peur de cet isolement, de cet abandon, des ténèbres et de la mort qu’elle sentait si proche.

Je répondis : « Non, ma brave femme. J’attendrai que M. Pavillon vous ait envoyé la garde. Et, me tournant vers le docteur :

— Envoyez-lui la mère Mauduit. Je la payerai.

— Parfait. Je vous l’envoie tout de suite.

Il me serra la main, sortit ; et j’entendis son cabriolet qui s’en allait sur la route humide.

Je restais seul avec les deux mourantes.

Mon chien Paf s’était couché devant la cheminée noire, et il me fit songer qu’un peu de feu serait utile à nous tous. Je ressortis donc pour chercher du bois et de la paille ; et bientôt une grande flamme éclaira jusqu’au fond de la pièce le lit de la petite qui recommençait à haleter.

Et je m’assis, tendant mes jambes vers le foyer.

La pluie battait les vitres ; le vent secouait le toit, j’entendais l’haleine courte, dure, sifflante des deux femmes, et le souffle de mon chien qui soupirait de