Page:Maupassant - Misère humaine (extrait de Gil Blas, édition du 1886-06-08).djvu/11

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plaisir, roulé devant l’âtre clair.

La vie ! la vie ! qu’était-ce que cela ? Ces deux misérables qui avaient toujours dormi sur la paille, mangé du pain noir, travaillé comme des bêtes, souffert toutes les misères de la terre, allaient mourir ! Qu’avaient-elles fait ? Le père était mort, le fils était mort. Ces gueux pourtant passaient pour de bonnes gens qu’on aimait et qu’on estimait, de simples et honnêtes gens !

Je regardais fumer mes bottes et dormir mon chien, et en moi entrait une joie inconnue, profonde et honteuse en comparant mon sort à celui de ces forçats !

La petite fille se remit à râler, et tout à coup ce souffle rauque me devint intolérable ; il me déchirait comme une lime dont chaque coup mordait mon cœur.

J’allai vers elle :

— Veux-tu boire ? lui dis-je.

Elle remua la tête pour dire oui, et je