Page:Maupassant - Misère humaine (extrait de Gil Blas, édition du 1886-06-08).djvu/12

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lui versai dans la bouche un peu d’eau qui ne passa point.

La mère, restée plus calme, s’était retournée pour regarder son enfant ; et voilà que soudain une peur me frôla, une peur sinistre qui me glissa sur la peau comme le contact d’un monstre invisible. Où étais-je ? Je ne le savais plus ! Est-ce que je rêvais ? Quel cauchemar m’avait saisi ?

Était-ce vrai que des choses pareilles arrivaient ? qu’on mourait ainsi ? Et je regardais dans les coins sombres de la chaumière comme si je m’étais attendu à voir, blottie dans un angle obscur, une forme hideuse, innommable, effrayante, Celle qui guette la vie des hommes et les tue, les ronge, les écrase, les étrangle ; qui aime le sang rouge, les yeux allumés par la fièvre, les rides et les flétrissures, les cheveux blancs et les décompositions.

Le feu s’éteignait. J’y rejetai du bois et je m’y chauffai le dos, tant j’avais froid dans les reins.

Au moins j’espérais mourir dans une bonne chambre, moi, avec des médecins autour de mon lit, et des remèdes sur les tables !