Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/208

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des choses de Paris. Il m’interrogeait en homme qui a connu cela, me citait des noms, tous les noms familiers sur le trottoir du Vaudeville.

— Qui voit-on chez Tortoni aujourd’hui ?

— Toujours les mêmes, sauf les morts.

Je le regardais avec attention, poursuivi par un vague souvenir. Certes, j’avais vu cette tête-là quelque part ! Mais où ? mais quand ? Il semblait fatigué, bien que vigoureux, triste, bien que résolu. Sa grande barbe blonde tombait sur sa poitrine, et parfois il la prenait près du menton et, la serrant dans sa main refermée, l’y faisait glisser jusqu’au bout. Un peu chauve, il avait des sourcils épais et une forte moustache qui se mêlait aux poils des joues.

Derrière nous, le soleil s’enfonçait dans la mer, jetant sur la côte un brouillard de feu. Les orangers en fleur exhalaient dans l’air du soir leur arome violent et délicieux. Lui ne voyait rien que moi, et, le regard fixe, il semblait apercevoir dans mes yeux, aperce-