Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/229

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La fumée légère s’envole dans l’air bleu ; et j’aperçois sur l’herbe une pincée de poil blanc qui remue. Alors je hurle de toute ma force : « Lapin, lapin. — Il y est ! » Et je le montre aux trois chiens, aux trois crocodiles velus qui me félicitent en remuant la queue ; puis s’en vont en chercher un autre.

Maître Picot m’avait rejoint. Moustache se remit à japper. Le fermier dit : « Ça pourrait bien être un lièvre, allons au bord de la plaine. »

Mais au moment où je sortais du bois, j’aperçus, debout, à dix pas de moi, enveloppé dans son immense manteau jaunâtre, coiffé d’un bonnet de laine, et tricotant toujours un bas, comme font les bergers chez nous, le pâtre de maître Picot, Gargan, le muet. Je lui dis, selon l’usage : « Bonjour, pasteur. » Et il leva la main pour me saluer, bien qu’il n’eût pas entendu ma voix ; mais il avait vu le mouvement de mes lèvres.

Depuis quinze ans je le connaissais, ce berger. Depuis quinze ans je le voyais chaque