Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/164

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Vous ne vous rappelez pas ? Cherchez donc, Christiane ! Mais votre nom m’est familier comme ceux qu’on entend dès l’enfance ! On regarderait avec soin toutes les pierres de cette forteresse, on l’y retrouverait gravé par ma main, jadis ! Je vous affirme que je reconnais ma demeure, mon pays, comme je vous ai reconnue, vous, la première fois que je vous ai vue !

Il parlait avec une conviction exaltée, grisé poétiquement par le contact de cette femme, et par la nuit, et par la lune, et par la ruine.

Brusquement il se mit à genoux devant Christiane, et, d’une voix tremblante :

— Laissez-moi vous adorer encore, puisque je vous ai retrouvée. Voilà si longtemps que je vous cherche !

Elle voulait se lever, partir, rejoindre son père ; mais elle n’en avait pas la force, elle n’en avait pas le courage, retenue, paralysée par une envie ardente de l’écouter encore, d’entendre entrer dans son cœur ces paroles qui la ravissaient. Elle se sentait emportée dans un songe, dans le songe toujours espéré, si doux, si poétique, plein de rayons de lune et de ballades.

Il lui avait saisi les mains et lui baisait le bout des ongles en balbutiant :

— Christiane… Christiane… prenez-moi…