Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/310

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Paul et Christiane causaient dans l’embrasure d’une fenêtre ouverte.

Elle était misérable depuis quelque temps, ne se sentant plus chérie de la même façon ; et leur malentendu d’amour s’accentuait chaque jour par leur faute mutuelle. Elle avait soupçonné ce malheur pour la première fois, le soir de la fête, en emmenant Paul sur la route. Mais comprenant qu’il n’avait plus la même tendresse dans le regard, la même caresse dans la voix, le même souci passionné qu’autrefois, elle n’avait pu deviner la cause de ce changement.

Il existait depuis longtemps, depuis le jour où elle lui avait crié, avec bonheur, en arrivant au rendez-vous quotidien : « Tu sais, je me crois enceinte vraiment. » Il avait éprouvé alors, à fleur de peau, un petit frisson désagréable.

Puis, à chacune de leurs rencontres, elle lui parla de cette grossesse qui faisait bondir son cœur de joie ; mais cette préoccupation d’une chose qu’il jugeait, lui, fâcheuse, vilaine, malpropre, froissait son exaltation dévote pour l’idole qu’il adorait. Plus tard, quand il la vit changée, maigrie, les joues creuses, le teint jaune, il pensa qu’elle aurait dû lui épargner ce spectacle et disparaître quelques mois, pour reparaître