Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/124

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Paul restait étendu à côté de Christiane qui rêvait. Et il murmura, si bas qu’elle entendit à peine, si bas que ces mots frôlèrent son oreille, comme ces bruits confus qui passent dans le vent : « Voici les meilleurs moments de ma vie. »

Pourquoi ces vagues paroles la troublèrent-elles jusqu’au fond du cœur ? Pourquoi se sentit-elle brusquement attendrie comme elle ne l’avait jamais été ?

Elle regardait, dans les arbres, un peu plus loin, une toute petite maison, un pavillon de chasseurs ou de pêcheurs, si étroit qu’il ne devait contenir qu’une seule pièce.

Paul suivit ses yeux et il dit :

— Avez-vous quelquefois songé, Madame, à ce que pourraient être, pour deux êtres s’aimant éperdument, des jours passés dans une cabane comme celle-là ! Ils seraient seuls au monde, vraiment seuls, face à face ! Et si une chose semblable pouvait se faire, ne devrait-on point tout quitter pour la réaliser, tant le bonheur est rare, insaisissable et court ? Est-ce qu’on vit, aux jours ordinaires de la vie ? Quoi de plus triste que de se lever sans espérance ardente, d’accomplir avec calme les mêmes besognes, de boire avec modération, de manger avec réserve et de dormir comme une brute, avec tranquillité ?

Elle regardait toujours la maisonnette, et son cœur se gonflait comme si elle allait pleurer, car, tout à coup, elle devinait des ivresses qu’elle n’avait jamais soupçonnées.