Page:Maupassant - Notes d'un démolisseur, paru dans Gil Blas, 17 mai 1882.djvu/4

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frères de la sculpture !

Type éternel et insipide du Beau, parfaite Vénus, dite de Milo, quel audacieux brisera tes reins célèbres qui inspirent depuis si longtemps tous les gratteurs de marbre pâle, comme si l’Art ne devait pas se renouveler sans cesse, se transformer, mourir à chaque âge et renaître différent, changer toujours ses formes et ses moyens ? Ta sereine et plastique beauté m’écœure, immuable et froide inspiratrice de la pierre. C’est quelque révolté, sans doute, qui t’a cassé les bras, quelque révolté, las comme moi de ton geste gracieux et froid toujours copié par les artistes, toujours admiré, toujours le même.

Tu fus sublime, sans doute, mais tu n’es plus la femme d’aujourd’hui, comme le marbre rigide n’est plus la matière que veulent nos yeux avides de couleur, de mouvement et de vie.

Brisons les marbres, les moules et les admiration antiques. Cherchez, imaginez, trouvez. Fouillez le bois, pétrissez la terre, modelez la cire !

Qui sait, un musée nouveau ouvrira peut-être la route, révélera des procédés