Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/194

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tourné le dos et feignait d’enfermer, avec trop de lenteur, le sucre et le cassis dans un placard.

Elle avait compris qu’il savait, ou du moins qu’il soupçonnait !

— Passe-moi donc ça, disait Roland.

Pierre tendit la miniature et son père attira la bougie pour bien voir ; puis il murmura d’une voix attendrie :

— Pauvre garçon ! dire qu’il était comme ça quand nous l’avons connu. Cristi ! comme ça va vite ! Il était joli homme, tout de même, à cette époque, et si plaisant de manière, n’est-ce pas, Louise ?

Comme sa femme ne répondait pas, il reprit :

— Et quel caractère égal ! Je ne lui ai jamais vu de mauvaise humeur. Voilà, c’est fini, il n’en reste plus rien… que ce qu’il a laissé à Jean. Enfin, on pourra jurer que celui-là s’est montré bon ami et fidèle jusqu’au bout. Même en mourant il ne nous a pas oubliés.

Jean, à son tour, tendit le bras pour prendre le portrait. Il le contempla quelques instants, puis, avec regret :