Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/248

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lant les coins noirs de son regard anxieux, et il s’aperçut que les rideaux du lit avaient été tirés. Il y courut et les ouvrit. Sa mère était étendue sur sa couche, la figure enfouie dans l’oreiller qu’elle avait ramené de ses deux mains crispées sur sa tête, pour ne plus entendre.

Il la crut d’abord étouffée. Puis, l’ayant saisie par les épaules, il la retourna sans qu’elle lâchât l’oreiller qui lui cachait le visage et qu’elle mordait pour ne pas crier.

Mais le contact de ce corps raidi, de ces bras crispés, lui communiqua la secousse de son indicible torture. L’énergie et la force dont elle retenait avec ses doigts et avec ses dents la toile gonflée de plumes sur sa bouche, sur ses yeux et sur ses oreilles pour qu’il ne la vît point et ne lui parlât pas, lui fit deviner, par la commotion qu’il reçut, jusqu’à quel point on peut souffrir. Et son cœur, son simple cœur, fut déchiré de pitié. Il n’était pas un juge, lui, même un juge miséricordieux, il était un homme plein de faiblesse et un fils plein de tendresse. Il ne se rappela rien de ce que l’au-