Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/96

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deste pharmacie, en vendant des remèdes aux petits bourgeois et aux ouvriers de son quartier.

Pierre allait souvent le voir après dîner et causer une heure avec lui, car il aimait la figure calme et la rare conversation de Marowsko, dont il jugeait profonds les longs silences.

Un seul bec de gaz brûlait au-dessus du comptoir chargé de fioles. Ceux de la devanture n’avaient point été allumés, par économie. Derrière ce comptoir, assis sur une chaise et les jambes allongées l’une sur l’autre, un vieux homme chauve, avec un grand nez d’oiseau qui, continuant son front dégarni, lui donnait un air triste de perroquet, dormait profondément, le menton sur la poitrine.

Au bruit du timbre il s’éveilla, se leva, et reconnaissant le docteur, vint au-devant de lui, les mains tendues.

Sa redingote noire, tigrée de taches d’acides et de sirops, beaucoup trop vaste pour son corps maigre et petit, avait un aspect d’antique soutane ; et l’homme parlait avec un fort accent polonais qui donnait à sa voix fluette