Page:Maupassant - Souvenirs, paru dans Le Gaulois, 23 mars 1884.djvu/7

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saillie en foule, distinctes cependant, avec tous mes désirs ébauchés et toutes mes espérances confuses. Et je me suis mise à respirer à longs traits l’air marin qui me soufflait dans la figure. Oui, vraiment, j’ai eu seize ans pendant quelques minutes.

D’autres fois, je me procure d’autres plaisirs.

Tu sais ou tu ne sais pas, ma chère Sophie, que dans la maison on ne détruit rien. Nous avons, en haut sous le toit, une grande chambre de débarras qu’on appelle « le grenier des reliques ». Tout ce qui ne sert plus est jeté là. Souvent j’y monte et je regarde autour de moi. Alors je retrouve un tas de riens auxquels je ne pensais plus et qui me rappellent un tas de choses. Ce ne sont point ces bons meubles amis que nous connaissons depuis l’enfance et auxquels sont attachés des souvenirs d’événements, de joies ou de tristesses, des dates de notre histoire ; qui ont pris, à force d’être mêlés à notre vie, une personnalité, une physionomie ; qui sont les compagnons silencieux de