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SUR L’EAU

nieuses comme ces énormes citadelles de fer qui flottent et marchent, portent une armée de soldats, un arsenal d’armes monstrueuses et qui sont faites, ces masses, de petits morceaux ajustés, soudés, forgés, boulonnés, travail de fourmis et de géants, qui montre en même temps tout le génie et toute l’impuissance et toute l’irrémédiable barbarie de cette race si active et si faible qui use ses efforts à créer des engins pour se détruire elle-même.

Ceux d’autrefois, qui construisaient avec des pierres des cathédrales en dentelle, palais féeriques pour abriter des rêves enfantins et pieux, ne valaient-ils pas ceux d’aujourd’hui, lançant sur la mer des maisons d’acier qui sont les temples de la mort ?

Au moment où je quitte le navire pour remonter dans ma coquille, j’entends sur le rivage éclater une fusillade. C’est le régiment d’Antibes qui fait l’exercice de tirailleurs dans les sables et dans les sa-