Page:Maupassant - Sur l’eau, OC, Conard, 1908.djvu/199

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quelques heures aux— bêtes qui vivent quelques ans, aux univers qui vivent quelques siècles. Qu’est-ce que tout cela ?

Pol prononça :

« Je sais une bien bonne histoire de neige. »

Je lui dis :

« Racontez. »

Il reprit :

"Vous vous rappelez le grand Radier, Jules Radier, le beau Jules ?

— Oui, parfaitement.

— Vous savez comme il était fier de sa tête, de ses cheveux, de son torse, de sa force, de ses moustaches. Il avait tout mieux que les autres, pensait-il. Et c’était un mangeur de cœurs, un irrésistible, un de ces beaux gars de demi-ton qui ont de grands succès sans qu’on sache au juste pourquoi.

"Ils ne sont ni intelligents, ni fins, ni délicats, mais ils ont une nature de garçons bouchers galants. Cela suffit.

"L’hiver dernier, Paris étant couvert de neige, j’allai à un bal chez une demi-mondaine que vous connaissez, la belle Sylvie Raymond.

— Oui, parfaitement.

— Jules Radier était là, amené par un ami, et je vis qu’il plaisait beaucoup à la maîtresse