Page:Maupassant - Théâtre, OC, Conard, 1910.djvu/160

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Tu as tout entendu... Tu es maîtresse de ton jugement et de ta décision... De toi, d’un mot, dépendent le pardon ou la rupture... Mon père t’a donné des arguments. Qu’est-ce que ton cœur a répondu ?... (Gilberte va parler, puis s’arrête et se met à pleurer.) Songe aussi qu’en refusant de pardonner, tu me frappes moi-même et que si je te vois malheureuse de ton obstination à dire non... j’en souffrirai beaucoup. M. Martinel te demandait tout à l’heure une réponse pour Jean. Faisons mieux, je vais le chercher. C’est de ta bouche, c’est plutôt dans tes yeux qu’il apprendra son sort. (L’amenant doucement à l’avant-scène.) Petite sœur, petite sœur, ne sois pas trop fière... ne sois pas vaniteuse. Écoute ce que te dit ton chagrin dans ton âme... Écoute bien... pour ne pas le confondre avec l’orgueil.


GILBERTE.

Mais je n’ai pas d’orgueil. Je ne sais pas ce que je sens. J’ai mal. J’ai de la joie gâtée qui m’empoisonne...


LÉON.

Prends garde. Il suffit de si peu en des moments comme celui-ci pour faire des blessures inguérissables !


GILBERTE.

Non... non... Je suis trop émue... Je serais peut-être dure, j’ai peur de lui et de moi... J’ai peur de tout briser ou de tout céder...


LÉON.

J’y vais.


GILBERTE,