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M. de Sallus.

Rarement.

Jacques de Randol.

Permettez.

M. de Sallus.

Oui, les rêveurs ; mais les véritables hommes, les passionnés, positifs et tendres, n’aiment pas la femme du monde d’aujourd’hui, qui est incapable d’amour. D’ailleurs, mon cher, regardez autour de vous. Vous connaissez des liaisons, car on sait tout ; pouvez-vous citer un seul amour, un amour désordonné, comme il y en avait autrefois, inspiré par une femme de notre entourage ? Non, n’est-ce pas ? Cela flatte d’en avoir une pour maîtresse, oui ; cela flatte, cela amuse, puis cela lasse. Regardez, au contraire, les femmes de théâtre, il n’y en a pas une qui n’ait au moins cinq ou six passions à son actif, des actes de folie, des ruines, des duels, des suicides. On les aime, parce qu’elles savent se faire aimer et qu’elles sont des amoureuses, des femmes. Oui, elles ont gardé la science de conquérir l’homme, la séduction du sourire, une manière d’attirer, de prendre, d’envelopper notre cœur, d’ensorceler le regard, même sans être belles à proprement parler. Une puissance d’envahissement enfin qu’on ne retrouve jamais chez nos femmes.

Jacques de Randol.

Et la Santelli est une séductrice de cette race ?