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histoire du vieux temps.

Il faut qu’il ait trouvé, dans sa course incertaine,
L’autre moitié de lui ; mais le hasard le mène ;
Le hasard est aveugle et seul conduit ses pas ;
Aussi, presque toujours, il ne la trouve pas.
Pourtant, quand d’aventure il la rencontre, il aime.
Et vous étiez, je crois, la moitié de moi-même
Que Dieu me destinait et que je cherchais, mais
Je ne vous trouvai pas, et je n’aimai jamais.
Puis voilà qu’aujourd’hui, nos routes terminées,
Le sort unit, trop tard, nos vieilles destinées.»
Trop tard, hélas, car vous n’êtes pas revenu !

le comte.

Marquise, vous pleurez ! …

la marquise.

Marquise, vous pleurez ! … Ce n’est rien, j’ai connu
La pauvre fille dont vous parliez tout à l’heure ;
Ce récit m’attrista ; voilà pourquoi je pleure.
Ce n’est rien.

le comte.

Ce n’est rien. L’enfant qui jadis reçut ma foi,
Marquise, c’était vous !

la marquise.

Marquise, c’était vous !Eh bien ! oui, c’était moi…

Le comte se met à genoux et lui baise la main. — Il est très ému.

la marquise, après un moment de silence.

Allons, n’y pensons plus ; il est un temps aux roses.
Notre vieux front pâli n’est plus fait pour ces choses.