Page:Maupassant - Un drame vrai, paru dans Le Gaulois, 6 août 1882.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bourre du fusil dont on s’était autrefois servi pour le meurtre.

Alors il recommence tout seul l’enquête. Il interroge avec astuce, fouille dans les meubles de son ami, tant et si bien qu’il retrouve le livre dont la feuille avait été arrachée.

C’est en ce cœur de père que se passe maintenant le drame. Son fils est le gendre de celui qu’il soupçonne si violemment ; mais, si celui qu’il soupçonne est coupable, il a tué son frère pour lui voler sa fiancée ! Est-il un crime plus monstrueux ?

Le magistrat l’emporte sur le père. Le procès recommence. L’assassin véritable est, en effet, le frère. On le condamne.



Voilà les faits qu’on m’indique. On les affirme vrais. Les pourrions-nous employer dans un livre sans avoir l’air d’imiter servilement MM. de Montépin et du Boisgobey ?

Donc, en littérature comme dans la vie, l’axiome : « Toute vérité n’est pas bonne à dire » me paraît parfaitement applicable.

J’appuie sur cet exemple, qui me paraît frappant. Un roman fait avec une donnée pareille laisserait tous les lecteurs incrédules, et révolterait tous les vrais artistes.

guy de maupassant