Page:Maupassant - Une lettre (extrait de Gil Blas, édition du 1885-06-12).djvu/7

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la lettre qu’on m’a adressée, il est nécessaire de prévenir mes lecteurs que je ne me moque pas d’eux, que cette lettre je l’ai reçue, par la poste, avec un timbre sur l’enveloppe qui portait mon nom, et qu’elle était signée, oui, signée, très lisiblement.

Je ne cherche pas ici à amuser ou à abuser des esprits naïfs. Je me fais l’interprète, peu scrupuleux, je le répète, d’un désir de femme.

Voici ce document :

Monsieur,

J’ai hésité bien longtemps avant de vous écrire : je n’osais pas me confier entièrement à vous. Pourtant je sens que vous êtes bon, généreux, mais ce que j’ai à vous dire est si étrange… Enfin je viens de repousser ma dernière crainte, et cela devait arriver ainsi. Devant l’infortune, toujours croissante, devant la misère noire, il n’y a pas de timidité qui tienne. Le malheur, comme le danger, donne du courage aux moins braves.

N’allez pas croire surtout, en parcourant cette lettre, que je suis un peu folle ou seulement exaltée. J’ai toute ma raison, je vous l’assure. Quant à mon caractère il est, non pas romanesque, mais au