Page:Maupassant - Voyage de noce, paru dans Le Gaulois, 18 août 1882.djvu/4

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Notre rêve, à nous femmes, c’est d’aimer, et d’avoir pour nous seules, tout à fait pour nous, dans un incessant tête-à-tête, celui que nous adorons, et qui nous adore aussi, croyons-nous. Pendant ce premier mois tout cela s’accomplit. Mais il n’y a que ce mois-là dans l’existence, pas un autre… pas un autre !

Je l’ai fait, ce voyage d’amour classique que chante Mme Juliette Lamber ; et, ce matin, mon cœur frémissait, bondissait, défaillait en retrouvant là, dans ce livre, tous ces lieux restés chers, les seuls où je fus vraiment heureuse ; et en relisant, trente ans après, les choses qu’il me disait jadis, il me semblait recommencer ce doux passé… J’entendais sa voix, je voyais ses yeux.

Oh ! comme il m’a fait souffrir depuis.

Oui, oui, toute ma vraie joie est enfermée dans mon voyage de noce. Je me le rappelle comme d’hier.

Au lieu de faire comme tous, de partir le soir même pour évaporer en des auberges quelconques ces premières