Page:Maupassant - Voyage de noce, paru dans Le Gaulois, 18 août 1882.djvu/8

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grand soleil s’enfonçait doucement là-bas, vers l’Afrique invisible, l’Afrique ! la terre brûlante dont je croyais déjà sentir les ardeurs ; mais une sorte de caresse fraîche, qui n’était cependant pas même apparence de brise, effleura mon visage lorsque l’astre eut disparu.

Ce fut le plus beau soir de ma vie.

Je ne voulus pas rentrer dans notre cabine, où l’on respirait toutes ces horribles odeurs de navire. Nous nous étendîmes tous les deux sur le pont, roulés en des manteaux ; et nous n’avons pas dormi. Oh ! que de rêves ! que de rêves !

Le bruit monotone des roues me berçait, et je regardais sur ma tête ces légions d’étoiles si claires, d’une lumière aiguë, scintillante et comme mouillée, dans ce ciel pur du Midi.

Vers le matin, cependant, je m’assoupis. Des bruits, des voix me réveillèrent. Les matelots, en chantant faisaient la toilette du navire. Et nous nous sommes levés.

Je buvais la saveur de la brume salée, elle me pénétrait jusqu’au bout des doigts. Je regardai l’horizon. Vers l’avant, quelque chose de gris, de confus encore dans l’aube naissante, une sorte d’accumulation de nuages singuliers, pointus, déchiquetés, semblait posée sur