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YVETTE.

est servante ! Nous ne pouvons pas faire fortune, nous, avec des places, ni avec des tripotages de bourse. Nous n’avons rien que notre corps, rien que notre corps.

Elle se frappait la poitrine, comme un pénitent qui se confesse, et, rouge, exaltée, avançant vers le lit :

— Tant pis, quand on est belle fille, faut vivre de ça, ou bien souffrir de misère toute sa vie — toute sa vie…, pas de choix.

Puis revenant brusquement à son idée :

— Avec ça qu’elles s’en privent, les honnêtes femmes. C’est elles qui sont des gueuses, entends-tu, parce que rien ne les force. Elles ont de l’argent, de quoi vivre et s’amuser, et elles prennent des hommes par vice. C’est elles qui sont des gueuses.

Elle était debout près de la couche d’Yvette éperdue, qui avait envie de crier « au secours », de se sauver, et qui pleurait tout haut comme les enfants qu’on bat.

La marquise se tut, regarda sa fille, et la voyant affolée de désespoir, elle se sentit elle-même pénétrée de douleur, de remords, d’attendrissement, de pitié, et s’abattant sur le lit en ouvrant les bras, elle se mit aussi à sangloter, et elle balbutia :