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YVETTE.

Et le baron, soulevant Mme  Obardi par le bras, l’entraîna.

Alors, Servigny, s’asseyant auprès de la couche, prit la main d’Yvette et prononça :

— Mam’zelle, écoutez-moi…

Elle ne répondit pas. Elle se sentait si bien, si doucement, si chaudement couchée, qu’elle aurait voulu ne plus jamais remuer, ne plus jamais parler, et vivre comme ça toujours. Un bien-être infini l’avait envahie, un bien-être tel qu’elle n’en avait jamais senti de pareil.

L’air tiède de la nuit entrant par souffles légers, par souffles de velours, lui passait de temps en temps sur la face d’une façon exquise, imperceptible. C’était une caresse, quelque chose comme un baiser du vent, comme l’haleine lente et rafraîchissante d’un éventail qui aurait été fait de toutes les feuilles des bois et de toutes les ombres de la nuit, de la brume des rivières, et de toutes les fleurs aussi, car les roses jetées d’en bas dans sa chambre et sur son lit, et les roses grimpées au balcon, mêlaient leur senteur languissante à la saveur saine de la brise nocturne.

Elle buvait cet air si bon, les yeux fermés, le cœur reposé dans l’ivresse encore persistante de l’opium, elle n’avait plus du tout le