Page:Maupassant - Yvette, OC, Conard, 1910.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
YVETTE.

un complot que nous allons faire. Vous savez qu’on déjeune à onze heures.

Il la trouva assise sur un banc, avec un livre sur les genoux, un roman quelconque. Elle lui prit le bras familièrement, amicalement, d’une façon franche et gaie comme si rien ne s’était passé la veille, et l’entraînant au bout du jardin :

— Voilà mon projet. Nous allons désobéir à maman, et vous me mènerez tantôt à la Grenouillère. Je veux voir ça, moi. Maman dit que les honnêtes femmes ne peuvent pas aller dans cet endroit-là. Moi, ça m’est bien égal, qu’on puisse y aller ou pas y aller. Vous m’y conduirez, n’est-ce pas, Muscade ? et nous ferons beaucoup de tapage avec les canotiers.

Elle sentait bon, sans qu’il pût déterminer quelle odeur vague et légère voltigeait autour d’elle. Ce n’était pas un des lourds parfums de sa mère, mais un souffle discret où il croyait saisir un soupçon de poudre d’iris, peut-être aussi un peu de verveine.

D’où venait cette senteur insaisissable ? de la robe, des cheveux ou de la peau ? Il se demandait cela, et, comme elle lui parlait de très près, il recevait en plein visage son haleine