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un grand chameau sur ses hautes jambes, pareil à un étrange monument.

M. Walter passa au mur voisin et annonça, avec un ton sérieux, comme un maître de cérémonies : — La grande peinture. — C’étaient quatre toiles : « Une Visite d’hôpital », par Gervex ; « une Moissonneuse », par Bastien-Lepage ; « une Veuve », par Bouguereau, et « une Exécution », par Jean-Paul Laurens. Cette dernière œuvre représentait un prêtre vendéen fusillé contre le mur de son église par un détachement de Bleus.

Un sourire passa sur la figure grave du patron en indiquant le panneau suivant : — Ici les fantaisistes. — On apercevait d’abord une petite toile de Jean Béraud, intitulée : « Le Haut et le Bas. » C’était une jolie Parisienne montant l’escalier d’un tramway en marche. Sa tête apparaissait au niveau de l’impériale, et les messieurs assis sur les bancs découvraient, avec une satisfaction avide, le jeune visage qui venait vers eux, tandis que les hommes debout sur la plate-forme du bas considéraient les jambes de la jeune femme avec une expression différente de dépit et de convoitise.

M. Walter tenait la lampe à bout de bras, et répétait en riant d’un rire polisson : — Hein ? Est-ce drôle ? est-ce drôle ?

Puis il éclaira : « Un sauvetage », par Lambert.

Au milieu d’une table desservie, un jeune chat, assis sur son derrière, examinait avec étonnement et perplexité une mouche se noyant dans un verre d’eau. Il avait une patte levée, prêt à cueillir l’insecte d’un coup rapide. Mais il n’était point décidé. Il hésitait. Que ferait-il ?

Puis le patron montra un Detaille : « La leçon », qui représentait un soldat dans une caserne, apprenant à un