Page:Maupassant Bel-ami.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tures semblables et qui tiennent autant d’une séduction réciproque que d’une sorte de complicité muette. Elle le savait intelligent, résolu, tenace ; elle pouvait avoir confiance en lui.

Ne l’avait-elle pas fait venir en cette circonstance si grave ? Et pourquoi l’avait-elle appelé ? Ne devait-il pas voir là une sorte de choix, une sorte d’aveu, une sorte de désignation ? Si elle avait pensé à lui, juste à ce moment où elle allait devenir veuve, c’est que, peut-être, elle avait songé à celui qui deviendrait de nouveau son compagnon, son allié ?

Et une envie impatiente le saisit de savoir, de l’interroger, de connaître ses intentions. Il devait repartir le surlendemain, ne pouvant demeurer seul avec cette jeune femme, dans cette maison. Donc il fallait se hâter, il fallait, avant de retourner à Paris, surprendre avec adresse, avec délicatesse, ses projets, et ne pas la laisser revenir, céder aux sollicitations d’un autre peut-être, et s’engager sans retour.

Le silence de la chambre était profond ; on n’entendait que le balancier de la pendule qui battait sur la cheminée son tic-tac métallique et régulier.

Il murmura :

— Vous devez être bien fatiguée ?

Elle répondit :

— Oui, mais je suis surtout accablée.

Le bruit de leur voix les étonna, sonnant étrangement dans cet appartement sinistre. Et ils regardèrent soudain le visage du mort, comme s’ils se fussent attendus à le voir remuer, à l’entendre leur parler, ainsi qu’il faisait, quelques heures plus tôt.

Duroy reprit :

— Oh ! c’est un gros coup pour vous, et un change-