Page:Maupassant Bel-ami.djvu/263

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Elle murmura :

— Oui. Je veux bien.

Ils allaient devant eux doucement. C’était une nuit tiède dont l’ombre caressante et profonde semblait pleine de bruits légers, de frôlements, de souffles. Ils étaient entrés dans une allée étroite, sous des arbres très hauts, entre deux taillis d’un noir impénétrable.

Elle demanda :

— Où sommes-nous ?

Il répondit :

— Dans la forêt.

— Elle est grande ?

— Très grande, une des plus grandes de la France.

Une senteur de terre, d’arbres, de mousse, ce parfum frais et vieux des bois touffus, fait de la sève des bourgeons et de l’herbe morte et moisie des fourrés, semblait dormir dans cette allée. En levant la tête, Madeleine apercevait des étoiles entre les sommets des arbres, et bien qu’aucune brise ne remuât les branches, elle sentait autour d’elle la vague palpitation de cet océan de feuilles.

Un frisson singulier lui passa dans l’âme et lui courut sur la peau ; une angoisse confuse lui serra le cœur. Pourquoi ? Elle ne comprenait pas. Mais il lui semblait qu’elle était perdue, noyée, entourée de périls, abandonnée de tous, seule, seule au monde, sous cette voûte vivante qui frémissait là-haut.

Elle murmura :

— J’ai un peu peur. Je voudrais retourner.

— Eh bien, revenons.

— Et… nous repartirons pour Paris demain ?

— Oui, demain.

— Demain matin.