Page:Maupassant Bel-ami.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il répétait : — Made, ma petite Made, je t’en prie, dis-le. En voilà un qui ne l’aurait pas volé. Tu aurais eu joliment tort de ne pas lui faire porter ça. Voyons, Made, avoue.

Elle trouvait plaisante, maintenant, sans doute, cette insistance, car elle riait, par petits rires brefs, saccadés.

Il avait mis ses lèvres tout près de l’oreille de sa femme : — Voyons… voyons… avoue-le.

Elle s’éloigna d’un mouvement sec et déclara brusquement : — Mais tu es stupide. Est-ce qu’on répond à des questions pareilles ?

Elle avait dit cela d’un ton si singulier qu’un frisson de froid courut dans les veines de son mari et il demeura interdit, effaré, un peu essoufflé, comme s’il avait reçu une commotion morale.

Le fiacre maintenant longeait le lac, où le ciel semblait avoir égrené ses étoiles. Deux cygnes vagues nageaient très lentement, à peine visibles dans l’ombre.

Georges cria au cocher : — Retournons. — Et la voiture s’en revint, croisant les autres, qui allaient au pas, et dont les grosses lanternes brillaient comme des yeux dans la nuit du Bois.

Comme elle avait dit cela d’une étrange façon ! Du Roy se demandait : « Est-ce un aveu ? » Et cette presque certitude qu’elle avait trompé son premier mari, l’affolait de colère à présent. Il avait envie de la battre, de l’étrangler, de lui arracher les cheveux !

Oh ! si elle lui eût répondu : — Mais, mon chéri, si j’avais dû le tromper, c’est avec toi que je l’aurais fait. Comme il l’aurait embrassée, étreinte, adorée !

Il demeurait immobile, les bras croisés, les yeux au ciel, l’esprit trop agité pour réfléchir encore. Il sentait