Page:Maupassant Bel-ami.djvu/356

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Il atteignait la rue Drouot quand il s’arrêta net ; il avait oublié de prendre des nouvelles du comte de Vaudrec, qui demeurait Chaussée-d’Antin. Il revint donc, flânant toujours, pensant à mille choses, dans une songerie heureuse, à des choses douces, à des choses bonnes, à la fortune prochaine et aussi à cette crapule de Laroche et à cette vieille teigne de Patronne. Il ne s’inquiétait point, d’ailleurs, de la colère de Clotilde, sachant bien qu’elle pardonnait vite.

Quand il demanda au concierge de la maison où demeurait le comte de Vaudrec :

— Comment va M. de Vaudrec ? on m’a appris qu’il était souffrant, ces jours derniers.

L’homme répondit : — M. le comte est très mal, monsieur. On croit qu’il ne passera pas la nuit, la goutte est remontée au cœur.

Du Roy demeura tellement effaré qu’il ne savait plus ce qu’il devait faire ! Vaudrec mourant ! Des idées confuses passaient en lui, nombreuses, troublantes, qu’il n’osait point s’avouer à lui-même.

Il balbutia : — Merci… je reviendrai… — sans comprendre ce qu’il disait.

Puis il sauta dans un fiacre et se fit conduire chez lui.

Sa femme était rentrée. Il pénétra dans sa chambre essoufflé et lui annonça tout de suite :

— Tu ne sais pas ? Vaudrec est mourant !

Elle était assise et lisait une lettre. Elle leva les yeux et trois fois de suite répéta : — Hein ? Tu dis ?… tu dis ?… tu dis ?…

— Je te dis que Vaudrec est mourant d’une attaque de goutte remontée au cœur. — Puis il ajouta : — Qu’est-ce que tu comptes faire ?

Elle s’était dressée, livide, les joues secouées d’un