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Madeleine Forestier. J’ai ce premier testament qui pourrait prouver, en cas de contestation de la part de la famille, que la volonté de M. le comte de Vaudrec n’a point varié.

Madeleine, très pâle, regardait ses pieds. Georges, nerveux, roulait entre ses doigts le bout de sa moustache. Le notaire reprit, après un moment de silence : — Il est bien entendu, monsieur, que madame ne peut accepter ce legs sans votre consentement.

Du Roy se leva, et, d’un ton sec : — Je demande le temps de réfléchir.

Le notaire, qui souriait, s’inclina, et d’une voix aimable : — Je comprends le scrupule qui vous fait hésiter, monsieur. Je dois ajouter que le neveu de M. de Vaudrec, qui a pris connaissance, ce matin même, des dernières intentions de son oncle, se déclare prêt à les respecter si on lui abandonne une somme de cent mille francs. À mon avis, le testament est inattaquable, mais un procès ferait du bruit qu’il vous conviendra peut-être d’éviter. Le monde a souvent des jugements malveillants. Dans tous les cas, pourrez-vous me faire connaître votre réponse sur tous les points avant samedi ?

Georges s’inclina : — Oui, monsieur. — Puis il salua avec cérémonie, fit passer sa femme demeurée muette, et il sortit d’un air tellement roide que le notaire ne souriait plus.

Dès qu’ils furent rentrés chez eux, Du Roy ferma brusquement la porte, et, jetant son chapeau sur le lit :

— Tu as été la maîtresse de Vaudrec ?

Madeleine, qui enlevait son voile, se retourna d’une secousse : — Moi ? Oh !

— Oui, toi. On ne laisse pas toute sa fortune à une femme, sans que…