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les élèves d’ingres

pieuse ; une gracieuse figure de femme y témoigne qu’au rebours de Flandrin il n était pas insensible au charme de la forme féminine. C’était d’ailleurs son rêve et sa théorie : il voulait baptiser l’art grec. Heureuse formule ! Il n’y a pas d’abîme entre l’antiquité classique et le sentiment chrétien. Nous l’avions pensé, en méditant naguère devant cette belle mosaïque de Sainte-Pudentienne, à Rome, où des arti : tes de culture grecque ont si dignement figuré la majesté des Évangiles et la divinité de Jésus-Christ. Aucune peinture chrétienne n’égale en expression cette œuvre de style antique. — Mais n’était-ce pas aussi la pensée de Giotto et de Raphaël ? Ce sera l’éternel tourment des artistes chrétiens de résoudre ce difficile problème, d’opérer cette conciliation. Et jusqu’où faut-il poursuivre ce rêve d’une union intime entre la forme grecque et l’esprit chrétien ? Faut-il aller jusqu’à prétendre, comme le veulent les Bénédictins de Beuron, que tant que cette i nion n’aura pas été réalisée il n’y aura pas de peinture chrétienne, pas d’art chrétien ?

Donc Orsel voulut baptiser l’art grec. Il fut le premier au xixe siècle à qui échut l’honneur de décorer une église. La chapelle des Litanies à N.-D. de Lorette témoigne à la fois de la pureté de son goût et de la pureté de sa foi. Son intelligence liturgique, ses intentions neuves d’ornemaniste, le parti qu’il sut tirer d’une archéologie encore inédite, tout le recommande à l’attention du critique. Certains de ses dessins sont d’une naïveté délicieuse. Théoricien assuré, praticien minutieux, il sut employer la collaboration d’amis et d’élèves sur qui son influence fut complète et qui lui conservèrent un dévouement absolu. Il travaillait avec Faivre-Dussier, G. Tyr — « Overbeck français, écrivait Gautier en 1855, avec plus de science d’exécution, mais aussi résolument cloîtré dans sa foi absolue », — et surtout Périn qui termina après la mort d’Orsel l’œuvre commencée. La chapelle de l’Eucharistie est de Périn : elle est aussi importante à tout point de vue que celle des Litanies. Périn consacra, depuis, tous ses efforts à glorifier la mémoire de son Maître : on consultera avec intérêt l’album qu’il a publié et qui contient d’excellentes reproductions de presque toute l’œuvre d’Orsel.