Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle fait voir que les révolutions, avant d’être des développements de principes, sont des explosions de besoins, de passions, d’intérêts et d’ambitions, ce qui n’empêche pas le moins du monde les révolutions d’être légitimes, au moins quand elles sont accomplies ; car pour les révolutions futures autant vaut n’en pas parler.

Cet aperçu permet de donner de la société une définition qui résume en partie la pensée de ce livre :

La société est un état de guerre réglé par les lois.

L’ordre extérieur n’est qu’apparent. En réalité c’est la guerre qui s’agite dans le fond de la vie sociale et une guerre dont les mobiles ne diffèrent en rien de ceux qui mettent les nations les armes à la main ; chacun arrive dans la vie au nom de ses intérêts et de ses passions, au nom de sa nature qui constitue son droit individuel. La loi dans ce qu’elle établit ou dans ce qu’elle défend ne fait que déterminer les conditions du combat et les armes dont il est permis de se servir. C’est tout un monde de combinaisons, d’intrigues et d’artifices, tout un art de procéder, d’attaquer et de se défendre, toute une stratégie sociale dont la connaissance approfondie est l’instrument universel. La lutte a lieu d’homme à homme, de classe à classe, et le pouvoir, les places, le crédit, la fortune, la célébrité apparaissent comme les points culminants autour desquels s’agite incessamment l’éternelle mêlée des ambitions.