Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/20

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Sans doute ce spectacle est de tous les temps, mais les sociétés modernes montrent la lutte dans des conditions jusqu’alors inconnues. Aucune distinction de classe ne retient plus les activités dans leur sphère, la masse sociale tout entière est appelée dans l’arène, la carrière est ouverte à toutes les initiatives individuelles et rien ne peut borner l’avenir de l’homme le plus obscur s’il a le génie de son ambition.

Comment dans de pareilles conditions l’équilibre peut-il se maintenir ? Comment de cette compétition ardente ne passe-t-on pas incessamment de la guerre civile à la guerre sociale ? Comment entre les individus ainsi accumulés, pressés par les besoins, les désirs et la haine, tout ne se termine-t-il pas, à un moment donné, par une immense jacquerie ?

Qui peut faire supporter aux masses le joug du travail et de l’indigence ? Sont-ce les croyances religieuses ? Est-ce l’empire de la philosophie? Est-ce l’amour du prince ou celui du pays ? On ne répond pas à ces questions-là. Est-ce le frein des lois ? Mais quand il n’y a plus d’un côté que ceux qui sont intéressés à les défendre et de l’autre ceux qui sont intéressés à les renverser, leur impuissance est bientôt démontrée. Qu’est-ce que le petit nombre d’hommes que la société satisfait auprès des milliers de déshérités ? Un seul de leurs tressaillements, s’il se communiquait à tous, couvrirait en un moment toute la terre de ruines ; et cependant rien ne s’agite ou