Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/22

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soustraire. Au fond, tous les rapports entre les hommes se règlent sur les aptitudes réciproques à exercer la domination et à la subir ; ils se subordonnent d’eux-mêmes et nécessairement les uns aux autres, suivant le degré de force morale qui est en eux et qui leur assigne, quoi qu’ils fassent, une place déterminée dans l’ordre social.

Il y a là une sorte de fatalisme qui consiste dans la répartition fortuite des intelligences et des forces morales comme des autres avantages sociaux. Le pouvoir, la fortune, les places, la célébrité sont autant de monopoles naturels, qui ne peuvent appartenir qu’à un certain nombre de privilégiés. La vie peut être envisagée comme une loterie dans laquelle il n’y a qu’un certain nombre de numéros gagnants. Ceux qui gagnent évincent les autres.

On comprend alors ce qu’il y a d’impitoyable et de fatal dans le choc des volontés humaines livrées à leurs propres entraînements et contenues seulement par le frein des lois. C’est, en un sens, un retour à la violence et à la liberté de la nature. Cette mêlée d’hommes ressemble à ces foules accumulées dans des places publiques trop étroites pour les contenir. Ceux qui n’ont pas les flancs assez forts pour soutenir la presse ou dont la tête ne s’élève pas assez au-dessus de la multitude pour pouvoir respirer sont étouffés. Dans le jeu des forces sociales tout ce qui est faible est inévitablement écrasé. C’est la loi du combat, c’est le fatum des temps modernes. Foulé