Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/29

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les entreprises, il n’est pas même possible de juger s’ils sont heureux ou malheureux.

C’est dans la vie politique que ces merveilleuses nuances sont sensibles, car la politique c’est jouer aux hommes et aux événements. On peut voir dans les Mémoires contemporains que Napoléon, un de ceux à qui la vie humaine a caché le moins de secrets, se moquait, en son particulier, de ceux qui lui prêtaient des combinaisons à longue portée ; il avoue littéralement qu’il vivait au jour la journée sur les événements. En fait de hasard, on ne trouverait peut-être pas dans une autre vie que la sienne une page plus frappante que celle qui va suivre.

Le 23 août 1798, Bonaparte quittait l’Égypte et s’embarquait à l’insu de son armée pour retourner en France, laissant à l’adresse de Kléber un pli cacheté, qui le nommait à sa place général en chef de l’armée d’Égypte.

La traversée entreprise par Bonaparte présentait des périls immenses, il fallait avoir des vents favorables, échapper aux escadres anglaises, et enfin arriver en France avant les dépêches menaçantes que Kléber ne manquerait pas d’envoyer au Directoire dès que la situation lui serait connue.

La traversée devait se faire par la côte d’Afrique, en longeant les rives de la Méditerranée, et les difficultés de l’exécution étaient telles qu’en cas de poursuite les deux frégates qui portaient la fortune de Napoléon devaient être échouées sur les sables, afin