Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/41

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les persiflages qui s’élèvent autour de lui, on le croirait isolé, c’est une erreur. Il l’est beaucoup moins que ne le serait un homme intègre qu’une noble infortune aurait frappé. C’est tout simple. L’envie est complètement désintéressée, elle trouve même son compte avec le premier ; il aura pour partisans tous ceux qui à sa place auraient failli comme lui, tandis que le caractère de l’autre en éloignant les envieux ne lui assure pas même le concours du petit nombre de ceux qui l’auraient imité.

La vanité est le sentiment qu’il faut combiner avec l’envie pour bien juger de l’ensemble. Dans les livres, dans les journaux, dans le monde on déplore le génie méconnu, les nobles ambitions trompées, les belles âmes incompri­ses ; c’est tout simple, on songe à soi, et, dans ces divers rôles, l’on n’a en vue que sa personne ; à la première occasion, on fermera sa porte au mérite, ou on lui barrera le chemin.

Un homme politique de quelque notoriété vient-il à mourir : pleurs et discours sur sa tombe, manifestations de sympathie, érection de statue, souscriptions pour la veuve et les orphelins ; excellents moyens de se produire et de rappeler son nom au public.

Le gouvernement est attaqué dans les journaux, de fougueux orateurs font des philippiques dans les cham­bres ; retournez les gens vous ne leur trouverez point de haine. Ils n’aspirent qu’à signaler leurs coups, ils ne se disputent que la gloire de frapper.