Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/114

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Et le lendemain Raoul découvrait une demi-douzaine de croquis, le schéma des trois saules, des roches, du pigeonnier, deux silhouettes du chapeau, et un enchevêtrement de lignes où l’on discernait la forme d’un revolver.

Et Catherine se rappelait que le fils Vauchel, fort adroit de ses mains, venait jadis au manoir, comme sa mère, et, sous la direction de M. Montessieux, faisait des travaux accessoires de menuiserie ou de serrurerie.

« Or, conclut Raoul, des cinq personnes que nous venons de citer, quatre sont mortes, M. Montessieux, M. Guercin, la mère et le fils Vauchel. Seul l’homme au chapeau reste, et sa capture seule peut dénouer la situation. »

De fait cette ténébreuse figure dominait tout le drame. Il semblait, à chaque instant, qu’elle allait surgir d’entre les arbres, de dessous la terre, ou du lit même de la rivière. Au tournant des allées, comme au niveau des pelouses ou sur la cime des arbres, flottait un fantôme qu’un regard plus attentif dissipait aussitôt.

Catherine et Bertrande demeuraient nerveuses. L’une et l’autre se pressaient contre Raoul, comme on se met à l’abri du danger. Il y avait parfois entre elles un désaccord qu’il pressentait, des silences gênants, des embrassades soudaines, des effrois qu’il apaisait avec des mots et des gestes affectueux, mais qui renaissaient, sans motif précis. D’où venait ce déséquilibre ? Est-ce que la peur du fantôme suffisait à l’expliquer ? Subissaient-elles une influence ignorée de lui ? Luttaient-elles contre des forces cachées ? Connaissaient-elles des secrets qu’elles se refusaient à révéler ?

La date du départ approchait. De belles journées se succédaient à la fin du mois d’août. Après le dîner, ils aimaient rester dehors, sur la terrasse.