Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/116

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haut, de dessus la falaise, quelque chose qui dégringola avec fracas et qui, en l’espace de trois ou quatre secondes, s’abattit dans la rivière. Si Raoul n’avait pas tenu ses rames en main, et s’il n’avait pas eu la présence d’esprit de faire pirouetter la barque, un quartier de roc en écrasait l’avant. Une gerbe d’eau, tout au plus, les éclaboussa.

Raoul bondit sur le talus. De son œil perçant, il avait avisé parmi les pierres et les pins du sommet, la forme d’un chapeau démesuré. La tête seule avait émergé durant une seconde, puis avait disparu. L’homme se croyait en sûreté dans son trou. Avec une vitesse invraisemblable, Raoul escalada la paroi presque verticale, s’aidant des fougères et s’accrochant aux aspérités. L’ennemi ne dut l’entendre qu’au dernier moment, car, se dressant à demi, il s’aplatit de nouveau, et Raoul ne vit plus que le sol bossué que couvrait l’ombre des arbres.

Il s’orienta un instant, hésita, puis fit un saut prodigieux, et tomba sur une masse noire et immobile qui semblait plutôt une levée de terre. C’était lui. Il le tenait.

Il le tenait à la taille, et il lui cria :

« Fichu, mon bonhomme ! Rien à faire, entre mes pinces. Ah ! gredin, on va rigoler. »

L’homme glissa, comme dans une rainure du sol, et rampa durant quelques mètres, toujours tenu solidement par les hanches. Raoul l’insultait et se moquait de lui. Cependant Raoul avait l’impression que sa proie, dans l’ombre épaisse où elle était dissimulée, fondait pour ainsi dire entre ses mains. À cause de deux grosses pierres, entre lesquelles elle s’enfonçait, Raoul la serrait moins bien, les mains écorchées par les rugosités, et les bras rapprochés de plus en plus l’un contre l’autre.

Mais oui, mais oui, elle s’enfonçait ! On eût dit