Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/128

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Et ce fut bien son moteur qui partit, qui tourna dans le village, qui prit la grande route, et qui, à une allure croissante, s’en alla vers Lillebonne.

Mais Lillebonne, était-ce le but ? L’ennemi, car ce ne pouvait être que lui, ne continuait-il pas jusqu’à Rouen, jusqu’à Paris ? Et pour quoi faire ?

Un peu las depuis son dur travail de libération, il se reposa et réfléchit. Au fond, la situation se présentait ainsi : le lendemain, 11 septembre, à dix heures et demie du matin, il devait venir au manoir et emmener Catherine et Bertrande. Donc, jusqu’à dix heures et demie et jusqu’à onze heures, rien d’anormal. Catherine et Bertrande ne s’inquiéteraient pas, ne le chercheraient pas. Mais après ? Au cours de la journée, est-ce que sa disparition, sa disparition à lui, si évidente, ne provoquerait pas des investigations qui pourraient le sauver ?

En tout cas, l’ennemi devait prévoir que les deux jeunes femmes resteraient à la Barre-y-va et attendraient. Or, cela, c’était l’échec de toute la combinaison, puisque le projet de l’ennemi supposait une liberté absolue d’action. En fin de compte, il fallait que, l’une et l’autre, elles partissent. Le moyen ? un seul. Les appeler à Paris. Une lettre, on reconnaît l’écriture. Donc, un télégramme… un télégramme, signé Raoul, leur disant qu’il a dû soudainement s’en aller, et leur prescrivant de prendre le train dès le reçu de la dépêche.

« Et comment n’obéiraient-elles pas ? pensait Raoul. L’injonction leur paraîtrait tellement logique ! Et puis, pour rien au monde, elles ne resteraient à la Barre-y-va sans ma protection. »

Il travailla une partie de la nuit, dormit assez longtemps, bien qu’il eût un certain mal à respirer, et se remit à l’œuvre. Sans en avoir la certitude, il croyait bien avancer du côté de l’issue, car les bruits de l’extérieur lui arrivaient avec plus de