Page:Maurice Leblanc - La Barre-y-va.djvu/174

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À minuit, Catherine et Bertrande s’installèrent dans l’auto. Raoul alla dire adieu à M. Arnold et à Charlotte.

« Eh bien, mes petits poulets, ça va ? On n’a pas trop mal en s’asseyant ? Fichtre, il me semble que vous geignez encore, jolie Charlotte. Écoutez-moi, tous les deux… Je vous laisse quarante-huit heures ici avec Théodore Béchoux comme infirmier, cordon-bleu, dame de compagnie et garde-chiourme. En outre, Béchoux se chargera de passer la rivière au peigne fin pour y gratter, à votre intention, les pellicules d’or. Après quoi, il vous expédiera, par le train, où vous voudrez, les poches gonflées de pépites et de pépètes, et l’âme lourde de bonnes intentions. Car je ne doute pas que vous ne laissiez tranquilles vos deux patronnes et que vous n’alliez vous faire pendre ailleurs. C’est convenu, monsieur Arnold ?

— Oui, déclara celui-ci, nettement.

— À merveille. Je suis sûr de ta bonne foi. Tu as senti en moi un monsieur qui ne badinait pas et je t’ai quelque peu épaté, hein ? Donc chacun sa route. D’accord aussi, aimable Charlotte ?

— Oui, dit celle-ci.

— Parfait. Si par hasard tu quittais M. Arnold…

— Elle ne me quittera pas, grogna le domestique.

— Pourquoi ?

— Nous sommes mariés. »

Béchoux serra les poings et articula :

« Gredine ! et tu voulais que je t’épouse.

— Que veux-tu, mon pauvre vieux, dit Raoul, si ça l’amuse d’être bigame, la belle enfant ! »

Il entraîna son compagnon, lui prit le bras et formula sévèrement :

« Voilà ce que c’est, Béchoux, que d’avoir des relations équivoques. Compare notre conduite. Il y avait ici deux personnes de mauvais aloi, et deux