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chasses et voyages au congo

environnés de brouillard, mais le soleil a vite fait de transformer celui-ci en buée transparente et dorée. Peu à peu à l’horizon les sommets des montagnes émergent tour à tour de l’océan floconneux et forment bientôt une ligne noire ininterrompue, tandis que plus près de nous pointent deux îles, hérissées chacune d’un arbre solitaire, qui par leur forme et leur descente abrupte dans l’ondoiement des nuages, rappellent le groupe des îles Stromboli qui piquent leurs têtes hors de la Méditerranée et qu’on salue au passage à chaque nouveau voyage.

Sur notre presqu’île en éperon qui a la forme d’une proue de navire, nous pourrions nous croire nous-mêmes, à l’avant d’un super-transatlantique mastodonte fendant les vagues vers des rivages inconnus, tellement notre terrassa improvisée me rappelle un pont de navire. Juste au centre de l’avant, un arbre décharné joue au mât de misaine, et jusqu’aux deck-chairs qui nous servent de sièges complètent l’illusion.

Le soleil monte plus haut, il va être 7 heures et il faut s’arracher au spectacle, et songer au départ : adieu aux rêves dans l’espace, la vie matérielle reprend ses droits, et il faut accomplir tous les rites qui chaque matin sont le complément inévitable de la levée du camp : d’abord déjeuner, puis rabattre les tentes, fermer les caisses récalcitrantes sur lesquelles nos porteurs, j’allais dire nos matelots, s’élancent pour nous les arracher sans attendre qu’elles. soient prêtes. Tous les matins ainsi chacun d’eux se précipite jalousement sur sa proie de la veille, craignant que son, voisin ne lui enlève une charge à laquelle il est habitué depuis trois semaines, et qu’il croit plus légère.

Depuis huit heures le brouillard tout à coup est monté et nous entoure d’un manteau ouateux et humide, tandis que le beau soleil de tantôt ne forme plus, pareil à son frère d’Europe, qu’un halo jaunâtre au-dessus de nous. Mais ce e sera pas long et bientôt il va taper drû. C’est tellement vrai que pendant que j’écris cette phrase, déjà la coupole